Après l’automobile, c’est le secteur de l’aviation qui a eu droit à son plan de relance. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, souhaite "accélérer la décarbonation" de cette industrie. Et il a fixé comme objectif de parvenir à un avion neutre en carbone en 2035 au lieu de 2050, notamment grâce au moteur à très haut taux de dilution et au recours à l’hydrogène.
Sur une enveloppe globale de 15 milliards, 1,5 milliard va être consacré sur trois ans au Conseil pour la Recherche Aéronautique civile (CORAC) pour de la recherche. Ces aides permettront de développer en France les technologies de réduction de la consommation de carburant, les technologies d’électrification des appareils et les expérimentations de carburants neutres en carbone comme l’hydrogène. Il reste encore à concevoir des piles assez puissantes à un prix acceptable, à mettre au point une manutention et un stockage sûrs de ce gaz explosif, qu’il faudra aussi produire sans polluer. Reste qu’en dehors du kérosène (bio ou pas), seul l’hydrogène est assez dense en énergie pour un avion. Tel n’est pas le cas des batteries : même si on parvenait à en quintupler la capacité de stockage, elles pèseraient encore, dans le cas d’un moyen-courrier, davantage que l’avion lui-même.
En cinquante ans, la filière aéronautique a réussi à réduire de 75 % la consommation de kérosène par passager, jusqu’à descendre à seulement 2 litres aux 100 km actuellement. Les compagnies aériennes et les constructeurs d'avion se sont engagés à diviser par deux en 2050 leurs émissions par rapport à 2005. "Cela nous permettra de fixer les nouveaux standards mondiaux de l'avion bas carbone", a estimé la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, lors de la présentation de ce plan. Selon elle, "à terme et le plus vite possible, le bon vecteur énergétique est l'hydrogène".
Pour Bertrand Piccard, la solution apparait aujourd’hui plus adaptée aux activités aéronautiques que la batterie. En dehors des avantages techniques liées à la densité énergétique et aux délais d’avitaillement, le pilote du Solar Impulse juge l’hydrogène plus facile à intégrer dans l’écosystème actuel. « L’hydrogène se fait des amis là où la batterie se fait des ennemis » résume-t-il dans une interview accordée au podcast « La Minute hydrogène » souligne Bertrand Piccard lors d'une interview diffusée sur le podcast d'Air Liquide. Un constat partagé par Olivier Savin, directeur technique système chez Dassault Aviation. "L'aviation électrique passera par l'hydrogène. D'ailleurs la flotte de petits avions est vieillissante et son renouvellement passera par là", estime-t-il. Chez Safran on estime que la pile à combustible est prête pour des usages nécessitant des puissances électriques peu élevées (divertissement, restauration à bord, etc.). "À terme, on peut envisager son utilisation pour des besoins électriques plus importants et plus critiques, comme le système d'urgence, qui fournit de l'énergie en cas de dysfonctionnement des moteurs, ou encore le démarrage électrique de ces derniers au sol, dans une configuration hybride, en complément de l'APU" (Auxiliary Power Unit, ou groupe auxiliaire de puissance), explique le motoriste.
Actuellement, plusieurs start-up travaillent sur des avions à hydrogène. C'est le cas de HES Energy Systems à Singapour et des américains ZeroAvia et HyPoint. En France, Calamalo Aviation pilote un projet Morgann H2 vient d'être labellisé par le Pôle Véhicule du Futur. C'est une première en France pour une start-up de l'aéronautique. Située à Plomeur, dans le Morbihan, l'entreprise souhaite intégrer une pile à combustible pour avoir une propulsion en mode zéro émission. Le Morgann est un hydravion amphibie à foils rétractables, construit avec des matériaux composites et par un procédé robotisé à 90 %. Il a été conçu par Loïc Pochet, pilote, instructeur et navigateur. Le projet Morgann H2 réunit le FEMTO-ST (UTBM-FCLAB) à Belfort, HES Energy Systems, AD-Venta et Solution F. C'est une solution made in France qui devrait aboutir dans trois ans à un hydravion à hydrogène. A Belfort, la société Avions Mauboussin et l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) se sont associés pour concevoir Zéphyr, un système de propulsion à hydrogène pour l'aéronautique. Celui-ci a été conçu pour l'Alérion M1h, un appareil destiné à la mobilité à la demande en zone urbaine et à motorisation hybride
Le drone est aussi un marché porteur, car la pile à combustible apporte plus d'autonomie que les batteries. Des acteurs tels que le français Delair et le singapourien HES Energy Systems (avec le concours dans les deux cas de la start-up Ergosup), ou encore le britannique ISS Aerospace explorent ce marché.