Un rapport présenté par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dresse « les scénarios technologiques permettant d’atteindre l’objectif d’un arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques en 2040 ». Il pense que cela est possible, mais que le coût sera important.
Cet organisme commun à Assemblée et au Sénat avait été saisi il y a un an, afin de faire des propositions avant l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM), qui a déjà été adopté en première lecture par le Sénat. Dans ce document de 285 pages, les rapporteurs, Huguette Tiegna (députée LRM du Lot) et Stéphane Piednoir (sénateur LR du Maine-et-Loire), se montrent « globalement confiants dans la capacité de l’industrie et de la recherche française à tirer parti des transformations en cours dans l’industrie automobile ». Pour ce travail de synthèse, ils ont, notamment, fait appel à l’expertise du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de l’IFP Energies nouvelles. Leur étude commune est d’ailleurs visible en annexe. « C’est très documenté et intéressant », juge Philippe Boucly, Président de l’AFHYPAC. « L’étude réaffirme le principe de neutralité technologique, même si on peut estimer qu’elle donne la préférence à la solution batterie », relativise-t-il.
Le rapport de l’OPECST s'articule autour de trois scénarios envisagés : « médian » (dit scénario de référence), « pro-batterie » et « pro-hydrogène ». Ce dernier montre que la technologie pourrait jouer un « rôle important », mais à deux conditions : « des progrès techniques beaucoup plus rapides que prévus pour une baisse accélérée des prix » (avec un prix des piles qui descendrait à 40 € le kW et celui de l’hydrogène qui s’établirait à 3 € le kg) et « une aide à l'achat d'un montant de 10 000 euros » (qui serait garantie jusqu'en 2040). En comparaison, le scénario plus favorable à la batterie fait état d’une densité d’énergie de 300 Wh/kg et d’un prix de 50 € par kWh. Le soutien à l’achat serait aussi nécessaire pour les véhicules électriques à batterie (6 000 € jusqu’en 2030, puis 3 000 €).
Pour Philippe Boucly, « le rapport évoque surtout le véhicule particulier, ni la mobilité des flottes captives, ni celle la mobilité lourde où l’hydrogène a toute sa place ». « En revanche, il met le doigt sur certaines faiblesses des véhicules électriques à batterie, comme la dépendance à l’Asie et le problème du recyclage », commente le Président de l’AFHYPAC.
Le passage le plus marquant de ce rapport concerne les coûts. La facture s’élèverait à « plusieurs centaines de milliards d’euros cumulés sur 20 ans ». Le plus gros impact serait lié au manque à gagner pour l’Etat des rentrées de la TICPE (37,7 milliards attendus en 2019), en raison d’une mobilité qui deviendrait électrique et qui ne reposerait plus sur des carburants pétroliers. Il faut aussi prendre en compte les coûts liés à la mise en place de l’infrastructure nécessaires (bornes de recharge et stations hydrogènes), qui sont évalués, pour les différents scénarios, entre 30,7 et 108 milliard d’euros. « Ce sont des chiffres qui font peur, mais la question de la fiscalité va forcément se poser à terme », relève Philippe Boucly. Lequel s’étonne que les investissements soient placés au même niveau pour les infrastructures de recharge, aussi bien pour les bornes que pour les stations à hydrogène.
Dans leur conclusion, les rapporteurs se gardent bien de prendre parti pour une technologie plutôt qu’une autre. Ils estiment toutefois que la sortie des motorisations thermiques aura aussi des impacts sur la filière automobile, qui représente 16 % du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière française, avec plus de 4 000 entreprises industrielles et 440 000 salariés, ainsi que près de 130 000 sociétés de service employant 480 000 salariés. Les deux parlementaires soulignent qu’il convient de ne « pas sous-estimer les risques associés à un tel bouleversement ».
Pour sa part, le Président de l’AFHYPAC considère que le rapport de l’OPECST va « globalement dans le sens de ce que nous pensons ». Il considère toutefois que la partie sur l’hydrogène aurait mérité des mentions sur la « démarche holistique » et les « synergies liées aux usages ».