Le 11 avril dernier, la station de recharge d’hydrogène du projet FaHyence* a été officiellement mise en service à Sarreguemines. Il s’agit de la première station de France permettant de produire, sur site et à la demande, de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables pour une mobilité durable. Retour sur un projet exemplaire.
Cette réalisation témoigne de la confiance qu’affiche la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences (CASC) dans l’hydrogène. Les premières réflexions sur une station à hydrogène datent en effet de 2009. Des contacts sont alors noués avec EDF et l’institut EIFER** (European Institute for Energy Research). « L’énergéticien, qui s’intéresse à l’hydrogène, y voit une opportunité pour réaliser un démonstrateur avec une vraie station et bénéficier d’un retour d’expérience », indique Laurent Perez, chargé de mission innovation à la Délégation Régionale EDF Grand Est. Mais la coopération avec la CASC se fera d’abord sur le thème des bornes de recharge pour véhicules électriques à batterie, dans le cadre du projet CROME (CROss-border Mobility for EVs) qui vise à tester l’interopérabilité de part et d’autre de la frontière franco-allemande. De son côté, la CASC poursuit sa réflexion sur l’hydrogène, au point de l’intégrer – sur les conseils du pôle de compétences Alphéa Hydrogène, dont elle est membre – dans le cadre de son plan climat, élaboré en 2012. « Ce plan a été validé par les élus et comprend notamment un volet sur la mobilité décarbonée », souligne Jean-Bernard Barthel, Vice-Président de l’Agglomération, en charge du développement durable, de la transition énergétique et de la croissance verte. EIFER a contribué aussi à l’accompagnement de ce plan.
Il faudra en fait attendre quelques années pour voir se concrétiser le projet d’une station de production et de distribution d’hydrogène en Moselle. L’occasion va se présenter en novembre 2014, quand l’institut EIFER entend parler d’un appel à projets dans le cadre du projet Hydrogen Mobility Europe. Le dossier est déposé 15 jours avant la date limite. Quelques mois plus tard, Bruxelles fait savoir que le projet FaHyence a été retenu. « Le projet a débuté officiellement le 1er juin 2015 et va durer pendant 5 ans, jusqu’à fin mai 2020, explique David Colomar, coordinateur de projets internationaux à l’EIFER. Il y a eu deux ans de travail en amont, car il a fallu faire des choix techniques en matière d’ingénierie au niveau du compresseur et du stockage », poursuit cet expert. « Chez McPhy, nous sommes fiers d’avoir mis notre expertise au service de ce projet pionnier et nous remercions la CASC, EDF/EIFER et les partenaires du projet de leur confiance, déclare Bertrand Amelot, Directeur Général Adjoint, en charge des Ventes & du Marketing. Cette installation de référence se base sur un concentré d’innovations technologiques (McLyzer, McFilling, McVision) qui contribue à une exploitation flexible et intelligente, précise le dirigeant. Et de souligner : « cette solution « tout en un » permet aussi aux conducteurs de faire le « plein » de leur véhicule de façon simple et sécurisée ». Il est à noter que si EIFER a joué un rôle primordial dans l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, ainsi que pour son expertise dans le montage de projets européens, c’est la Délégation Régionale EDF Grand Est qui a contribué à mettre en relation les différents acteurs.
Si la station est implantée sur un territoire où l’hiver est rigoureux, ce qui présente un intérêt évident dans le cadre d’une expérimentation (le pistolet a été modifié suite à des problèmes mis en évidence par le gel), elle est avant tout équipée d’un électrolyseur, qui produit de l’hydrogène sur site à partir d’électricité verte et d’eau. « La station FaHyence est la première chaîne globale d’Hydrogène Vert », se félicite Bertrand Amelot de McPhy. De fait, EDF s’engage à fournir un courant qui provient d’énergies renouvelables (éoliennes, centrales photovoltaïques, barrages hydrauliques). Et ce n’est pas tout, car l’électricien a développé un système de « monitoring » de la station qui assure le pilotage de celle-ci, tout en ajustant la production d’hydrogène selon la situation du réseau électrique. « L’hydrogène produit est stocké dans des bouteilles en acier lorsque l’électricité est abondante sur le réseau, et inversement lorsqu’il y a des pics de consommation d’électricité, la production d’hydrogène s’arrête, explique Laurent Perez. C’est donc une station qui rend des services à l’ensemble du système énergétique ». « Nous ne voulions pas d’une station avec des bouteilles d’hydrogène livrés par camion », confirme Jean-Bernard Barthel de la CASC. « Cette station est un bijou technologique, assure par ailleurs Laurent Perez d’EDF. Nous y avons intégré un refroidisseur, ce qui est une première en France. Ce système permet d’assurer une recharge plus rapide, en permettant la distribution d’hydrogène sur 4 véhicules à la suite ». La station a une capacité de production de 40 kg/jour. De quoi effectuer 25 recharges/jour à une pression de 350 bars. Pour sa part, David Colomar d’EIFER voit un autre intérêt au projet. « La station va permettre à toute la filière de monter en compétences, pronostique cet expert. D’autre part, il y a désormais une jurisprudence, car nous avons pu ouvrir cette station grâce à des échanges avec la DGPR (Direction Générale de la Prévention des Risques) et la DREAL (Direction Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) dans un contexte juridique complexe qui ne précise pas pour le moment quel est le seuil requis pour une production industrielle d’hydrogène dans la réglementation ICPE***».
Les véhicules qui se ravitaillent à la station de Sarreguemines sont des Kangoo ZE-H2, équipés d’un prolongateur d’autonome développé par Symbio. Dix véhicules de ce type ont été livrés à différents utilisateurs publics et privés qui utilisent désormais l’hydrogène pour leurs activités professionnelles quotidiennes. D’autres pourraient suivre. Laurent Perez d’EDF croit savoir que la flotte pourrait s’étoffer avec la Nissan e-NV200 (pendant de la Kangoo H2) et probablement à terme le Renault Master Z.E, tous deux équipés de la technologie de Symbio.
La station a été mise officiellement en service en avril, après une première phase de test au mois de mars, elle devrait être en principe inaugurée de façon plus officielle en septembre prochain, annonce la CASC. D’ores et déjà, elle contribue à la renommée de Sarreguemines. « Nous avons eu droit à des reportages de la part des télévisions en Allemagne, notamment dans la Sarre. C’est un retour positif », commente Jean-Bernard Barthel de la CASC. Par ailleurs, il faut souligner que le « projet FaHyence » va contribuer à créer une station-service multi-énergies, permettant aux usagers de recharger les véhicules électriques avec de l’électricité ou de l’hydrogène produit sur place. Une station de remplissage de GNC (gaz naturel comprimé) sera ainsi mise en service au premier trimestre 2018.
*FaHyence s’inscrit dans le cadre du projet européen H2ME, financé par le programme européen FCH JU, qui vise à déployer 29 stations-services à hydrogène et plus de 300 véhicules d’ici 2020. La station a un coût d’1,4 M€. La CASC y contribue à hauteur de 150 000 euros, répartis sur 4 ans.
**Un groupement européen d'intérêt économique (GEIE) entre Electricité de France (EDF) et Karlsruhe Institute of Technologie (KIT).
***Installation classée pour la protection de l'environnement.