Ex-directrice du CEA-Liten, la chercheuse est aujourd’hui à la tête d’une nouvelle entreprise qui vise à produire des électrolyseurs à haute température à Béziers, sur un site appartenant à Schlumberger. Un défi qu’elle entend relever avec enthousiasme.
Non. Le siège de GENVIA et la production se trouvent effectivement en Occitanie, mais le centre de transfert de technologies du CEA reste à Grenoble. On va en fait répliquer une recette qui a bien marché, notamment dans la microélectronique, et qui est celle d’un lien entre la recherche et l’industrie. Pour autant, c’est une nouvelle vie qui commence. Le 26 février, nous avons fait le « closing » avec les actionnaires (Schlumberger, le CEA, l’AREC Occitanie, Vinci Construction, Vicat). Le 1er mars, la société a été officiellement créée, et le lendemain je participais à mon premier « board ». C’est un joli symbole, car un bâtiment nous a été dédié. Il s’agit d’un ancien site de production de wagons, puis de machines agricoles, qui garde encore au sol des traces de rails de chemin de fer. C’est un signe d’un riche passé industriel, un joli témoignage.
C’est un groupe qui aime la technologie et qui recherche l’excellence, à la fois technique et industrielle... On s’est donc « trouvés » entre partenaire cultivant cette même culture.
Il s’agit de produire des électrolyseurs à haute température avec une technologie unique en France,et qui présente différentes caractéristiques dont la réversibilité. Elle permet en effet de faire du « power to power ». Notre ambition n’est pas de nous limiter au cœur du système, le stack, mais de proposer des solutions complètes. Dès la fin juillet, nous disposerons d’une ligne pour produire nos premiers prototypes. La société se donne ensuite 6 mois pour qualifier le process. C’est donc en 2022 que pourra débuter la production de prototypes optimisés à l’échelle de 300 kW, sachant que nous visons le MW en 2024.
Nous allons proposer une technologie qui est innovante. Elle se distingue par de hauts rendements mais aussi sa réversibilité. GENVIA mise sur deux trajectoires : la production d’hydrogène en utilisant notamment de de la chaleur fatale dans l’industrie et le développement des énergies renouvelables. Nous sommes en train de bâtir une stratégie d’alliances auprès de partenaires qui vont pouvoir nous accompagner pendant les dix ans à venir. L’objectif est de devenir une giga-factory en 2030. A ce propos, nous avons fait acte de candidature dans le cadre de l’IPCEI national et j’espère que nous serons retenus par le gouvernement parmi les 4 projets auxquels la ministre de l’Ecologie a fait référence (le 25 février, lors du premier Conseil National de l’Hydrogène).
Nous avons reçu beaucoup de sollicitations de la part d’acteurs de la chimie et des énergies renouvelables en France. Il y a eu aussi des demandes en provenance du Maroc, du Chili et de l’Australie.
Oui et je crois qu’il ne sera pas si difficile. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un spectre de compétences, avec un savoir-faire en France dans la métallurgie et la mécanique. D’ailleurs, sur le site que nous occupons, la filiale Cameron de Schlumberger produit des obturateurs pour les puits de pétrole. Nous allons accueillir dès cet été une trentaine de personnes qui sont déjà formées aux contraintes de l’industrie, ce qui va nous faire gagner au moins deux ans. La grande chance de GENVIA est aussi d’avoir un bâtiment avec toutes les autorisations nécessaires pour de la production. Je crois que nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec l’hydrogène. Je pense que ce n’est pas un marché de substitution. Nous découvrons de nouveaux usages à travers nos échanges et nous devrons être à l’écoute de nos clients et partenaires. La technique et le marketing sont vraiment deux branches qu’il faut réunir.
D’abord, c’est une satisfaction pour Valérie Bouillon-Delporte et moi, qui avons été les premières combattantes de l’hydrogène depuis 2014. Je tiens aussi à féliciter la Présidente de la région Bourgogne-Franche Comté, Marie-Guite Dufay. Même si j’ai déjà eu des prix dans le domaine de la recherche, je suis ravie, car c’est une reconnaissance de la part de mes pairs. Ce prix illustre la passerelle vers le volet industriel qui a toujours structuré ma carrière. On m’a d’ailleurs présenté comme la chercheuse qui rêvait de devenir une industrielle. Je considère qu’il doit y avoir un équilibre au sein des territoires. Et justement, l’usine fait partie d’un écosystème. Avant, on travaillait en silo entre chercheurs et industriels. L’avenir, c’est de synchroniser les acteurs et c’est ce que nous essayons d’expliquer aux jeunes. Je suis donc beaucoup touchée.
Le conseil d'administration de GENVIA est composé de représentants de haut niveau de ses partenaires fondateurs :
François Jacq, Administrateur général du CEA et Philippe Stohr, directeur des énergies du CEA
Ashok Belani, vice-président exécutif des nouvelles énergies, et Olivier Peyret, président de la France, Schlumberger
Guy Sidos, président et directeur général, Vicat
Pascal Baylocq président de Geostock (VINCI Construction)
Stéphane Péré, directeur général AREC Occitanie