Air Liquide, Total, EDF et ENGIE multiplient en ce moment les initiatives en faveur de l’hydrogène décarboné. Des signes encourageants en faveur du déploiement de la filière.
Et on commence par une première mondiale. Air Liquide vient de mettre en service à Bécancour au Québec un électrolyseur PEM (Membrane Échangeuse de Protons) avec une capacité de 20 MW. Faisant appel à la technologie de Cummins (dont le groupe français est actionnaire suite au rachat de Hydrogenics), c’est le plus gros du genre. Lancé en février 2019, le projet permet désormais d’alimenter en hydrogène vert les marchés de la mobilité et de l’industrie en Amérique du Nord. La production est réellement décarbonée, car l’électrolyseur utilise de l’électricité d'origine renouvelable, abondante et fournie par Hydro-Québec. Cette unité produit désormais jusqu’à 8,2 tonnes par jour d‘hydrogène bas carbone. Non seulement, la mise en service de cette unité d’électrolyse augmente de 50 % la capacité de production d’hydrogène, sur le site de Bécancour, mais le process est bien plus vertueux. Par rapport à un procédé de production d’hydrogène traditionnel, cette nouvelle unité de production permettra d’éviter l’émission de près de 27 000 tonnes de CO2 par an, soit les émissions annuelles d’environ 10 000 voitures.
Le groupe français a signé un protocole d’accord avec Siemens Energy pour combiner les expertises dans la technologie de l’électrolyse à Membrane Échangeuse de Protons (PEM). Les deux entreprises vont développer ensemble des projets à grande échelle, en mettant au point notamment la prochaine génération d’électrolyseurs. Dans le cadre de leur coopération, Air Liquide et Siemens Energy présenteront ensemble des demandes de financement de grands projets relevant du Green New Deal européen et du programme IPCEI (Projet Important d’Intérêt Européen Commun) pour l’hydrogène, financés par les gouvernements français et allemand. Leur souhait est d'ailleurs de créer, avec d’autres partenaires, un écosystème européen dans ce domaine.
Air Liquide s’investit également dans l’hexagone, puisqu’il a décidé d'entrer à hauteur de 40 % au capital d'H2V Normandy, une filiale de H2V Product. Il devient ainsi l'un des acteurs d'un projet qui vise à construire un complexe d'électrolyseurs d'une capacité pouvant atteindre 200 MW. Situé dans la zone industrielle de Port-Jérôme, en Seine-Maritime, le site produira à grande échelle de l'hydrogène renouvelable et bas carbone. Celui-ci servira pour des applications industrielles, ainsi que pour de futures applications de mobilité lourde. Le projet s'inscrit dans un programme de développement des nouvelles énergies pour décarboner les activités industrielles (raffinage et chimie) sur l'axe de la vallée de la Seine en Normandie, l'un des bassins industriels historiques d'Air Liquide en France. Il permettra d'éviter l'émission de 250 000 tonnes de CO2 par an. « Cette prise de participation est en ligne avec l'engagement d’Air Liquide de fournir de l’hydrogène d’origine renouvelable ou bas carbone, pour les usages de la mobilité et d’accompagner la décarbonation des usages industriels », commente François Jackow, Directeur Général Adjoint et membre du Comité Exécutif du groupe. Rappelons par ailleurs qu’Air Liquide (associé à ENGIE) est aussi impliqué dans le projet « HyGreen Provence ». Piloté par l’agglomération Durance, Luberon, Verdon (DLVA), dans le sud de la France, il vise à produire massivement de l’hydrogène vert à partir d'énergie solaire (avec des premières réalisations envisagées dès fin 2021 et une phase finale possible en 2027). L’objectif est de produire 1 300 GWh d’électricité solaire, ainsi que la production par électrolyse de l’eau d’hydrogène renouvelable à échelle industrielle.
Dans le cadre du projet Masshylia*, les deux partenaires ont signé un accord de coopération pour construire et exploiter le plus grand site de production d’hydrogène renouvelable de France. Il sera situé à Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône), en Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. Situé au cœur de la bioraffinerie de Total à La Mède, et alimenté par des fermes solaires d’une capacité globale de plus de 100 MW, l’électrolyseur de 40 MW produira 5 tonnes d’hydrogène vert par jour. Le site sera ainsi en mesure de répondre aux besoins du processus de production de biocarburants, évitant au passage le rejet de 15 000 tonnes d'émissions de CO2 par an. Au passage, le projet inaugure 5 innovations : un système de pilotage digital de la fourniture d’hydrogène en continu avec une gestion en temps réel de la production d’électricité solaire ; l’optimisation de l’intégration de plusieurs fermes photovoltaïques alimentant l’électrolyseur pour minimiser les pertes d’énergie et limiter les congestions du réseau ; un stockage d’hydrogène de grande ampleur pour équilibrer production d’électricité intermittente et consommation d’hydrogène continue ; une connexion directe en courant continu entre une ferme photovoltaïque et l’électrolyseur pour améliorer le bilan énergétique ; et enfin une sécurité industrielle renforcée grâce à l’utilisation de modèles numériques 3D pour chaque composant de l’installation. Total et ENGIE visent un début de construction des installations en 2022, à l'issue de l’étude d’ingénierie avancée, en vue d’une production en 2024. Au-delà de cette première phase, de nouvelles fermes renouvelables pourront être développées par les partenaires pour l’électrolyseur qui a la capacité de produire jusqu’à 15 tonnes d’hydrogène vert par jour.
*Le projet Masshylia a été labellisé comme innovant et d'un grand intérêt pour la région par plusieurs institutions régionales (Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, Métropole Aix-Marseille-Provence, Capenergies pôle de compétitivité).
En coopération avec Neoen (une entreprise française qui développe, finance et opère des centrales électriques à partir d’énergie renouvelable), le groupe annonce le lancement d'un projet à 1,2 milliard d'euros à Saucats, en Gironde. D’une superficie de 1 000 hectares, cette "plateforme énergétique" comprendra un parc photovoltaïque, des batteries, un data center et une unité de production d’hydrogène vert (visant notamment des débouchés vers les mobilités individuelles et collectives territoriales). Baptisé Horizeo, ce projet pourrait à lui seul produire l’équivalent de 15 % des 8,5 GW de capacités de production d’énergie photovoltaïque souhaités en 2030 par la région Nouvelle-Aquitaine. "Le projet est inédit et innovant par sa capacité de production d’énergie renouvelable et il va bien au-delà en associant, sur un même site, des technologies d’avenir. C’est également un projet ambitieux dans son modèle économique, dont l’énergie produite sera valorisée au travers de contrats de vente d’électricité de gré à gré auprès d’entreprises, en dehors des procédures d’appel d’offres de l’État et des subventions associées", explique Gwenaëlle Avice-Huet, la directrice générale adjointe d'ENGIE en charge des renouvelables.
Filiale du groupe chinois BlueStar, l'un des leaders mondiaux de la nutrition animale, la société Adisseo a passé un accord avec Engie Solutions pour intégrer de l'hydrogène dans son process industriel. Elle souhaite en effet réduire l'empreinte carbone de la production de méthionine, un acide aminé indispensable à l'élaboration de ses produits. Or, la synthèse industrielle de méthionine nécessite d'utiliser de l'hydrogène. C'est ici qu'intervient le projet Cashemir, qui devrait aboutir en 2022 sur le site des Roches de Condrieu (38). Celui-ci prévoit la construction d’une unité de production de 2000 t/an d’hydrogène vert par électrolyse. Ce procédé utilise l’eau comme seule matière première et un courant électrique d’origine renouvelable, obtenu dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement qui garantit la fourniture par des sites identifiés. L’ensemble de la chaîne sera sécurisé par la technologie blockchain, garantissant la traçabilité de l’énergie verte, ce qui constituera une première pour des volumes de cette importance. Le projet Cashemir a été retenu par le Programme d'investissements d'avenir opéré par l’ADEME dans le cadre de l’appel à projets « production et fourniture d’hydrogène décarboné pour des consommateurs industriels ». Le pôle de compétitivité Chimie-Environnement AXELERA affirme également son soutien à cette initiative et l’a labellisée projet majeur. Le projet est aussi candidat au fonds Européen « Innovation Fund », qui permettrait de le concrétiser au bénéfice de la filière chimique d’excellence en région Auvergne-Rhône Alpes.
A travers sa filiale Hynamics, l’électricien est impliqué dans plusieurs projets. Il y en a par exemple deux dans la région Occitanie : l’un concerne cette métropole (51 bus à hydrogène) et l'autre au Grau-du-Roi dans le Gard (solutions de mobilités terrestres et maritimes). La structure H2 d’EDF a aussi retenue par l’agglomération d’Auxerre pour assurer l’installation d’une station de production d’hydrogène vert par électrolyse. Celle-ci servira à alimenter les futurs bus à hydrogène du réseau de transport urbain Léo, opéré par Transdev. Et à l’international, Hynamics a remporté son premier projet en Allemagne. Avec plusieurs partenaires, comme le Danois Ørsted et la raffinerie allemande Heide GmbH dans, la filiale française installera et opérera un ensemble d'électrolyseurs d'une capacité totale de 30 MW dans le Land septentrional du Schleswig Holstein, dans le cadre du programme Westküte 100. EDF estime que l’Inde pourrait à terme représenter un débouché. Le directeur du groupe dans ce pays a déclaré récemment y « voir une opportunité dans l'hydrogène et dans le stockage d'énergie ».