A l’orée de cette année 2019, les signaux sont au vert avec la poursuite du plan Hulot et l’intégration de l’hydrogène dans la PPE. On mesure chaque jour le potentiel de ce vecteur d’énergie dans les secteurs de l’industrie, de la mobilité et à terme de l’énergie. Mais, la filière doit maintenant concrétiser ces promesses.
En introduction, Philippe Boucly a rappelé les avancées de cette année 2018. Elles ont été symboliques avec la présentation en juin du plan hydrogène par Nicolas Hulot, le lancement dans la foulée d’un appel à projets de l’ADEME, ainsi que la prise en compte de ce vecteur d’énergie dans la PPE* (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) et dans le nouveau CSF (Comité Stratégique de Filière) Nouveaux Systèmes Energétiques. Un soutien important et symbolique de la part de l’Etat. Précisément, ces messages ont été confirmés par des « fonctionnaires de haut niveau et impliqués », tient à souligner le Président de l’AFHYPAC.
Ainsi, on a pu entendre Alice Vieillefosse, la directrice de cabinet du Directeur Général de l’Energie et du Climat (Laurent Michel) au sein du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Elle a répété que le plan continuait, malgré le départ de Nicolas Hulot. Elle a d’ailleurs révélé que la thématique hydrogène était considérée jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Mme Vieillefosse a rappelé qu’Emmanuel Macron avait cité cette forme d’énergie dans son discours présentant la Stratégie Nationale Bas Carbone. En écho, Aurélie Picart, Déléguée Générale du CSF Nouveaux Systèmes Energétiques, a évoqué ensuite la dernière réunion du CNI (Conseil National de l’Industrie), présidée par le Premier Ministre, et pendant laquelle l’hydrogène a été cité en exemple. « Ce CSF permet de réunir des industriels du privé désirant travailler avec l’Etat pour produire en France », a précisé la Déléguée Générale de ce comité. Elle a ajouté que le thème était aussi partagé avec d’autres thèmes, comme ceux de l’automobile et de la chimie. Mme Picart en a profité pour annoncer une réunion se tenant le 18 décembre avec ce Comité Stratégique de Filière, invitant les entreprises à s’y rendre pour échanger. Quant à Luc Bodineau, de l’ADEME, il a fait le point sur l’AAP en cours portant sur les écosystèmes de mobilité. Relevant que des dossiers avaient été déposés dans toutes les régions, il a invité les candidats à prendre contact avec les délégations locales de l’agence, soulignant au passage qu’il n’était « pas nécessaire de toujours partir d’une feuille blanche » et qu’il était « possible également de s’appuyer sur des stations existantes ».
Le verdissement de l’industrie a fait l’objet ensuite de plusieurs exposés. Une approche systémique a par exemple été mise en place par PUS (Pôle Utilités Services), une filiale d’Engie Cofely, qui produit et distribue les fluides techniques du centre de recherche MINATEC à Grenoble. Elle assure la production d’hydrogène vert, à la fois pour les besoins en interne du CEA-Liten (pour les salles blanches) et pour des applications de mobilité. Pour cela, elle s’appuie sur trois électrolyseurs de McPhy, alimentés à partir d’électricité décarbonée. L’hydrogène ainsi produit sert également au sein d’une station exploitée à Grenoble par Air Liquide, et qui entre à la fois dans le cadre du projet Hyway et de l’initiative Zero Emission Valley de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Stéphane Arnoux, d’ENGIE Cofely H2 France a souligné ce partenariat exemplaire, qui est un bel exemple de mutualisation des moyens et une vitrine pour l’hydrogène vert. Dans le même esprit, il a été question aussi du projet autour de l’usine de Michelin à Vannes, où de l’hydrogène sera produit à la fois pour les besoins du site et pour alimenter une station de remplissage de véhicules accessible au public. Pour sa part, la représentante d’EDF, Liliane Cloatre, est revenue sur les ambitions du groupe qui, avec l’aide de McPhy, entend bien répondre avec de l’hydrogène décarboné aux besoins croissants du secteur industriel, en France comme dans d’autres pays en Europe.
La mobilité a occupé une large place dans cette matinée d’échanges, avec pour commencer le train à hydrogène. Déjà présent aux Journées Hydrogène dans les Territoires, le député LREM de Gironde Benoît Simian est venu avec cette fois le rapport définitif. Rappelant que ce type de train est « 4 fois moins cher que l’électrification d’une ligne », il s’est félicité que « la SNCF soit dans le match ». Un représentant de l’opérateur ferroviaire a en effet participé à la rédaction du rapport et le PDG Guillaume Pépy a pris la parole à ce sujet dans les médias. Benoît Simian se félicite de voir les régions manifester leur désir d’acheter de commander des trains. Il a rappelé que des aides communautaires existaient. Il entend toutefois être vigilant et espère que l’Etat encouragera la création de stations de remplissage.
Pour sa part, Fabio Ferrari a dressé un bilan au nom de Mobilité Hydrogène France. Se félicitant que l’hydrogène soit cité par le mouvement des Gilets Jaunes comme une solution d’avenir, il a par contre souligné que « d’autres pays comme la Chine et la Corée du Sud investissaient beaucoup plus massivement dans l’infrastructure ». La France commence à rattraper son retard avec l’arrivée des premiers bus à hydrogène en service commercial, comme à Pau. Le PDG de Symbio a également évoqué les camions. Des industriels s’intéressent au prolongateur d’autonomie sur des camions électriques, même si d’autres acteurs comme Hyundai et Nikola Motor font de la pile à combustible l’élément principal de propulsion.
La mobilité lourde a également été abordée avec les bateaux. Eloi Flipo, de Voies Navigables de France, a évoqué l’impact de la réglementation (y compris celle des villes qui veulent interdire le Diesel comme Paris), avant de présenter l’hydrogène comme une alternative crédible dans le domaine fluvial. VNF, qui peut apporter des financements, a identifié à ce jour une dizaine de projets sur ce thème. Le sujet a été complété par des interventions de Hyseas et d’Areva SE, ainsi que par d’autres personnes qui ont mentionné les projets portuaires en région Occitanie et l’existence du Navibus à Nantes.
Oivier Savin de Dassault Aviation a clos ce chapitre par une remarquable présentation de l’hydrogène dans l’aéronautique, en partant des aérostiers du 18° siècle pour aller jusqu’aux futurs avions propulsés par des PAC comme le futur Element One de HES, en passant par les dirigeables et les drones. Cet exposé a été l’occasion de mettre en avant des projets impliquant Dassault, qui prévoit d’intégrer des piles pour de la génération de puissance en cabine (2025), en tant que générateur de secours (2030) et de système d’alimentation pendant toutes les phases de vol (2035). M. Savin n’a pas manqué au passage de faire référence au projet Hyport. Tous ces exemples ont permis d’aborder la question de la mutualisation des points de ravitaillement. Ainsi, les stations nécessaires pour ravitailler des avions pourraient très bien au passage contribuer à alimenter des bus, d'autres véhicules (utilitaires, taxis) et pourquoi pas…. des bateaux et des trains.
La dernière partie concernait le stockage de l’énergie avec des interventions de RTE et de GRTgaz. Philippe Boucly, le Président de l’AFHYPAC, se félicite de voir que l’hydrogène peut jouer un rôle dans ce domaine, en citant le scénario AMPERE de RTE à l’horizon 2035 (un espace économique possible pour la production d’hydrogène par électrolyse), ainsi que la dernière étude de l’ADEME sur la trajectoire 2060 pour le mix électrique (95 % d’EnR à cet horizon avec un rôle important de l’hydrogène pour la décarbonation de l’électricité).
En résumé, « les acteurs sont motivés et ont fait des progrès », estime M. Boucly. « Mais, si l’année 2018 a été celle du buzz, il faut assurer la success story en 2019 », souligne-t-il. Une formule qu’il résume en anglais par la formule « we need to deliver ».
*Il faut toutefois attendre la page 23 du dossier de presse pour voir apparaître le mot hydrogène. Il y est fait référence en tant qu'alternative au gaz naturel, grâce au power-to-gas. La stratégie française reprend ensuite les objectifs déjà cités dans le cadre du plan Hulot. C'est à à dire : un taux d’incorporation d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel de 10 % en 2023 et 20 à 40 % en 2028 ; la mise en place d'un fonds de soutien au développement de l’hydrogène doté de 100 M€ et lancer des appels à projet sur la mobilité et la production d’hydrogène à l’aide d’électrolyseurs ; prolonger la mesure de suramortissement à l’achat de véhicules hydrogène a minima dans les mêmes conditions que pour le GNV (poids lourds >3,5 t).